À peine la Gironde avait-elle été éliminée que la Convention, désormais dirigée par les Montagnards, se retrouvait prise entre deux menaces. Alors que la révolte fédéraliste gagnait en force, le mouvement populaire, déchaîné par les prix élevés, augmentait la pression qu’il exerçait sur le gouvernement. Pendant ce temps, le gouvernement se révélait incapable de contrôler la situation. En juillet 1793, la nation semblait sur le point de s’effondrer.
Constitution de 1793modifier
Au cours du mois de juin, les Montagnards jouèrent pour temps. Pourtant, la Convention n’a pas négligé les paysans. C’est à ces derniers que la révolution du 31 mai (comme celles du 14 juillet et du 10 août) apporta un bénéfice substantiel. Le 3 juin, la vente des biens des émigrés, en petites parcelles et payables en dix ans, a été décrétée; le 10, le partage facultatif des terres communes par tête; et le 17 juillet, l’abolition, sans compensation, de tout ce qui restait de droits seigneuriaux.
Les Montagnards ont tenté de rassurer les classes moyennes en rejetant toute idée de terreur, en protégeant les droits de propriété et en limitant le mouvement populaire à des limites très restreintes. C’était un équilibre délicat à atteindre, un équilibre qui a été détruit en juillet par l’aggravation de la crise. La Convention approuve rapidement la nouvelle constitution, espérant s’affranchir de l’accusation de dictature et calmer les angoisses des départements.
La Déclaration des droits qui précède le texte de la Constitution a solennellement réaffirmé l’indivisibilité de la nation et les grands principes de liberté de la presse, d’égalité et de résistance à l’oppression. Il allait bien au-delà de la Déclaration de 1789, y ajoutant le droit à l’assistance publique, au travail, à l’éducation et à l’insurrection. Aucun homme ne pouvait imposer sa volonté aux autres. Toute tyrannie politique et sociale a été abolie. Bien que les montagnards aient refusé d’être conduits plus loin sur la voie de la démocratie, la Constitution est devenue la Bible de tous les démocrates.
L’objectif principal de la Constitution était d’assurer le rôle majeur des députés dans la Convention, considérée comme la base essentielle de la démocratie politique. L’Assemblée législative devait être élue au suffrage direct pour un seul député ; les députés étaient élus à la majorité simple des suffrages exprimés et l’assemblée siégerait pendant un an. Le conseil exécutif de 24 membres a été choisi par l’Assemblée législative parmi les 83 candidats choisis par les départements sur la base du suffrage universel masculin, et les ministres ont ainsi été rendus responsables devant les représentants de la nation. L’exercice de la souveraineté nationale s’est élargi grâce à l’institution du référendum : la Constitution devait être ratifiée par le peuple, de même que les lois dans certaines circonstances précisément définies.
La Constitution a été soumise à la ratification populaire et adoptée par une énorme marge de plus de 1 801 918 pour contre quelque 17 610 contre. Les résultats du plébiscite sont rendus publics le 10 août 1793, mais l’application de la Constitution, dont le texte est placé dans l’arche sacrée et déposé dans la salle de débat de la Convention, est reportée jusqu’à ce que la paix soit faite.
Révolte fédéraliste et Warrédit
Jacques-Louis David, 1793, Bruxelles
En effet, les Montagnards ont dû faire face à des circonstances dramatiques : insurrection fédéraliste, guerre en la Vendée, les échecs militaires et la dégradation de la situation économique. Malgré tout, une nouvelle guerre civile ne pouvait être évitée. À la mi-juin, une soixantaine de départements étaient en rébellion plus ou moins ouverte. Cependant, les départements frontaliers sont restés fidèles à la Convention. La hausse était généralisée plutôt que profonde. C’était essentiellement le travail des administrations départementales et de district. Les communes, dont la composition était plus populaire, se montrèrent en général tièdes ou hostiles ; et les dirigeants fédéralistes se divisèrent bientôt entre eux. Les républicains sincères parmi eux ne pouvaient manquer d’être inquiets de l’invasion étrangère et de la Vendée. Ceux qui se voyaient rejetés par le peuple, cherchaient le soutien des modérés, des Feuillants et même des aristocrates.
Juillet et août ont été de mauvais mois aux frontières. En trois semaines, Mayence, symbole des succès précédents, capitula devant les Prussiens, et les Autrichiens s’emparèrent des forteresses de Condé et de Valenciennes et envahirent le nord de la France. Les troupes espagnoles franchirent les Pyrénées et commencèrent à avancer sur Perpignan. Les Piémontais profitent de la diversion des forces républicaines à Lyon pour envahir la France par l’Est. En Corse, la révolte de Paoli expulse les Français de l’île avec le soutien britannique. Les troupes britanniques ouvrent le siège de Dunkerque en août et en octobre, les Alliés envahissent l’Alsace. La situation militaire était devenue désespérée.
En outre, d’autres incidents ont aggravé la fureur des révolutionnaires et les ont convaincus que leurs adversaires avaient abandonné toute retenue de comportement civilisé. Le 13 juillet, Charlotte Corday assassine l’idole des sans-culottes Jean-Paul Marat. Elle avait été en contact avec des rebelles girondins en Normandie et ils l’auraient utilisée comme agent.
Le manque de prévoyance affiché par la Convention au cours des premiers jours a été racheté par sa vigueur et son habileté à organiser des mesures de répression. Des mandats d’arrêt furent émis contre les chefs girondins révoltés ; les membres de l’administration départementale révoltée furent privés de leurs fonctions.
Les régions où la révolte était dangereuse étaient précisément celles où un grand nombre de royalistes étaient restés. Il n’y avait pas de place pour un tiers entre la Montagne, qui était identifiée à la République, et le royalisme, qui était l’allié de l’ennemi. L’insurrection royaliste en Vendée avait déjà conduit la Convention à faire un long pas vers la Terreur, c’est–à-dire la dictature du pouvoir central et la suppression des libertés. L’insurrection girondine l’incite maintenant à faire un pas décisif dans la même direction.
Gouvernement révolutionnaires
L’Assemblée constituante avait légiféré par le biais de ses commissions. La Convention est régie par ses comités. Deux d’entre elles revêtaient une importance essentielle : la Sûreté publique et la Sécurité générale. Le second, qui avait des pouvoirs redoutables, est moins connu que le premier, qui était le véritable pouvoir exécutif et était armé d’immenses prérogatives. Il date d’avril, mais sa composition a été profondément remaniée au cours de l’été 1793.
L’été 1793 voit les troubles sans-culotte atteindre leur apogée sous une double bannière : la fixation des prix et la terreur. À cela s’ajoutait la nouvelle d’une trahison sans précédent : Toulon et son escadre avaient été livrés à l’ennemi. Au nom de la misère du peuple, les chefs des Enragés, avec Jacques Roux à leur tête, appelèrent à une économie planifiée à partir d’une Convention qui n’aimait pas l’idée. Mais la logique révolutionnaire de la mobilisation des ressources par la dictature nationale était infiniment plus puissante que la doctrine économique. En août, une série de décrets ont conféré aux autorités des pouvoirs discrétionnaires sur la production et la circulation des céréales, ainsi que des sanctions sévères pour fraude. Des « greniers d’abondance » ont été préparés pour stocker le maïs réquisitionné par les autorités de chaque district. Le 23 août, le décret sur la levée en masse transforme les civils valides en soldats.
Le 5 septembre, les Parisiens tentent de répéter la révolte du 2 juin. Des sections armées encerclent à nouveau la Convention pour exiger la mise en place d’une armée révolutionnaire intérieure, l’arrestation de suspects et la purge des comités. Ce fut probablement le jour clé de la formation du gouvernement révolutionnaire : la convention céda, mais garda le contrôle des événements. Il met la Terreur à l’ordre du jour le 5 septembre, le 6 élu Collot d’Herbois et Billaud-Varenne au Comité de Sûreté Publique, le 9 crée l’armée révolutionnaire, le 11 décrète le Maximum pour les céréales et les fourrages (contrôle général des prix, et des salaires le 29), le 14 réorganise le Tribunal révolutionnaire, le 17 vote la loi sur les suspects, et le 20 confie aux comités révolutionnaires locaux la tâche d’en dresser des listes.
La dictature de la Convention et des comités, simultanément soutenus et contrôlés par les sections parisiennes, représentant le peuple souverain en session permanente, dura de juin à septembre. Il gouvernait par un réseau d’institutions mises en place au hasard depuis le printemps de mars, le Tribunal révolutionnaire et des représentants en mission dans les départements ; était suivi le mois suivant par les représentants de la Convention aux armées, également armés de pouvoirs illimités; et l’acceptation forcée de l’assignat comme seul cours légal, le contrôle des prix des céréales et le prêt forcé d’un milliard de livres des riches.
Enfin la France a vu un gouvernement prendre forme. Danton en démissionne le 10 juillet. Couthon, Saint-Just, Jeanbon Saint-André et Prieur de la Marne formèrent un noyau de Montagnards résolus qui rallièrent Barère et Lindet, puis ajoutèrent avec succès Robespierre le 27 juillet, Carnot et Prieur de Côte-d’Or le 14 août, et Collot d’Herbois et Billaud-Varenne le 6 septembre. Ils avaient quelques idées claires auxquelles ils s’accrochaient: commander, combattre et conquérir. Leur travail en commun, le danger, le goût et la fierté du pouvoir ont créé une solidarité qui a fait du Comité un organisme autonome.
Le comité était toujours géré de manière collégiale, malgré la spécificité des tâches de chaque directeur : la division en « politiciens » et « techniciens » était une invention thermidorienne, destinée à déposer les cadavres de la Terreur à la porte des seuls Robespierristes. Beaucoup de choses, cependant, ont mis les douze membres du comité en désaccord; Barère était plus un homme de la Convention que du comité et était un lien avec la Plaine. Robert Lindet avait des scrupules sur la Terreur qui, au contraire, était le thème marquant de Collot d’Herbois et Billaud-Varenne, retardataires du comité, contraints par les sans-culottes en septembre ; contrairement à Robespierre et ses amis, Lazare Carnot n’avait apporté son soutien que provisoirement et pour des raisons d’État à une concession politique au peuple. Mais la situation qui les unissait à l’été 1793 était plus forte que ces divergences d’opinion. Le Comité devait se fixer avant tout, et choisir les revendications populaires les plus adaptées à la réalisation des objectifs de l’Assemblée : écraser les ennemis de la République et anéantir les derniers espoirs de l’aristocratie. Gouverner au nom de la Convention, en même temps la contrôler, et retenir le peuple sans éteindre son enthousiasme — c’était un pari.
L’ensemble des institutions, mesures et procédures qui le constituaient a été codifié par un décret du 14 Frimaire (4 décembre) qui a scellé ce qui avait été le développement progressif d’une dictature centralisée fondée sur la Terreur. Au centre se trouvait la Convention, dont le bras séculier était le Comité de Sûreté Publique, investi d’immenses pouvoirs : il interprétait les décrets de la Convention et réglait leurs modalités d’application ; sous son autorité immédiate, il avait tous les organes de l’État et tous les fonctionnaires (même les ministres disparaîtraient en avril 1794).; il dirigeait l’activité militaire et diplomatique, nommait des généraux et des membres d’autres comités, sous réserve de ratification par la Convention. Il était responsable de la guerre, de l’ordre public et du ravitaillement de la population. La Commune de Paris, célèbre bastion des sans-culottes, a été neutralisée en passant sous son contrôle.
L’économiemodifier
La centralisation administrative et économique allait de pair. L’état de siège contraint la France à l’autarcie; pour sauver la République, le gouvernement a mobilisé toutes les forces productives de la nation et a accepté à contrecœur la nécessité d’une économie contrôlée, qu’il a introduite extemporanément, comme l’urgence l’exigeait. Il fallait développer la production de guerre, relancer le commerce extérieur et trouver de nouvelles ressources en France même ; et le temps manquait. Les circonstances l’ont progressivement obligé à assumer le gouvernement économique du pays. Avec l’organisation de l’armée, c’était la caractéristique la plus originale de son travail.
Toutes les ressources matérielles ont été réquisitionnées. Les agriculteurs ont cédé leurs céréales, leurs fourrages, leur laine, leur lin et leur chanvre. Les artisans et les marchands ont abandonné leurs produits manufacturés. Les matières premières étaient recherchées avec soin – métal de toutes sortes, cloches d’église, vieux papiers, chiffons et parchemins, herbes, broussailles et même cendres domestiques pour la fabrication de sels de potassium et châtaignes pour la distillation. Toutes les entreprises étaient mises à la disposition de la nation – forêts, mines, carrières, fours, forges, tanneries, papeteries, grandes fabriques de tissus et ateliers de fabrication de chaussures. Le travail des hommes et la valeur des choses étaient soumis au contrôle des prix. Personne n’avait le droit de spéculer au prix de la Patrie alors qu’elle était en danger. Les armements suscitaient plus d’inquiétude. Dès septembre 1793, des efforts ont été faits pour créer une grande usine à Paris pour les fusils et les armes de poing. Un appel spécial a été lancé aux scientifiques. Monge, Vandermonde, Berthollet, Darcet, Fourcroy perfectionnèrent la métallurgie et la fabrication d’armes.
Ce n’est qu’aux salariés que le Maximum semblait tout à fait avantageux. Il augmenta les salaires de moitié par rapport à 1790 et les marchandises d’un tiers seulement. Mais comme le Comité n’a pas veillé à ce qu’il soit respecté (sauf pour le pain), ils auraient été dupés s’ils n’avaient pas bénéficié des conditions favorables qu’une grande guerre offre toujours à la main-d’œuvre. Paris se calme encore, car les sans-culottes trouvent peu à peu des moyens de subsister ; la levée en masse et la formation de l’armée révolutionnaire amincissent leurs rangs ; beaucoup travaillent maintenant dans des ateliers d’armement et d’équipement, ou dans les bureaux des comités et des ministères, qui s’agrandissent énormément.
L’armée de l’année III
Au cours de l’été, la réquisition de la taxe était terminée et en juillet, l’effectif total de l’armée atteignait 650 000 hommes. Les difficultés étaient énormes. La production de guerre vient de commencer en septembre. L’armée était au milieu de la purge. Au printemps de 1794, la fusion fut entreprise. Deux bataillons de volontaires ont rejoint un bataillon de réguliers pour constituer une demi-brigade, ou régiment. Au même moment, le commandement a été reconstitué. La purge se termina avec l’exclusion de la plupart des nobles. La nouvelle génération a atteint les plus hauts rangs et l’École de guerre (Ecole de Mars) a reçu six jeunes hommes de chaque district pour améliorer le personnel. Les commandants de l’Armée devaient être nommés par la Convention.
Ce qui émergea peu à peu, c’était un commandement militaire d’une qualité inégalée : Marceau, Hoche, Kleber, Masséna, Jourdan et une foule d’autres, épaulés par des officiers solides tant dans leurs capacités de soldats que dans leur sens des responsabilités civiques.
Pour la première fois depuis l’antiquité, une armée véritablement nationale a marché à la guerre, et pour la première fois aussi, une nation a réussi à armer et à nourrir un grand nombre de soldats — telles étaient les caractéristiques nouvelles de l’armée de l’An II. Les innovations techniques résultaient principalement de sa taille ainsi que de la stratégie qui en découlait. L’ancien système de cordons a perdu son prestige. Se déplaçant entre les armées de la Coalition, les Français pouvaient manœuvrer le long des lignes intérieures, déployer une partie de leurs troupes le long des frontières et profiter de l’inaction de l’un de leurs ennemis pour battre les autres. Agir en masse et écraser l’ennemi en nombre : tels étaient les principes de Carnot. Ils n’étaient toujours pas essayés, et ce n’est qu’à l’apparition de Bonaparte qu’ils connurent un grand succès.
Chute des factionsmodifier
Dès septembre 1793, il y avait deux ailes distinctes parmi les révolutionnaires. D’abord ceux que l’on appellera plus tard Hébertistes — bien qu’Hébert lui—même n’ait jamais été le chef officiel d’un parti – prônent la guerre à mort et adoptent le programme des Enragés, en apparence parce que les sans-culottes l’approuvent. Les Hébertistes préféraient se ranger du côté des Montagnards, tant qu’ils pouvaient espérer contrôler la Convention par leur intermédiaire. Ils dominaient le Club des Cordeliers, remplissaient les bureaux de Bouchotte et pouvaient généralement emporter la Commune avec eux. L’autre aile était celle des Dantonistes, qui s’est formée en réponse à la centralisation croissante du Gouvernement révolutionnaire et à la dictature des Comités. Les dantonistes étaient dirigés principalement par des députés de la Convention (plutôt que par les sans-culottes), dont Danton, Delacroix et Desmoulins.
Plaçant les besoins de la défense nationale au-dessus de toutes autres considérations, le Comité de Sécurité publique n’avait aucune intention de céder aux demandes du mouvement populaire ou des modérés. Suivre les Hébertistes mettrait en péril l’unité révolutionnaire, tandis que céder aux exigences des modérés aurait miné à la fois la Terreur et l’économie contrôlée. Cependant, l’unité, la centralisation et la terreur étaient toutes considérées comme essentielles à l’effort de guerre. Afin d’équilibrer les revendications contradictoires de ces deux factions, le Gouvernement révolutionnaire a tenté de maintenir une position à mi-chemin entre les Dantonistes modérés (citras) et les Hébertistes extrémistes (ultras).
Mais à la fin de l’hiver 1793-1794, la pénurie de nourriture s’aggrave. Les hébertistes incitent les sans-culottes à exiger des mesures strictes, et au début le Comité se montre conciliant. La Convention vota 10 millions pour les secours, le 3 Ventose, Barère présenta un nouveau Maximum général, et le 8 Saint-Just obtint un décret confisquant les biens des suspects et les distribuant aux nécessiteux (décrets Ventose). Les Hébertistes estimaient que s’ils augmentaient la pression, ils triompheraient une fois pour toutes. Bien que l’appel apparaisse comme un appel à l’insurrection, il ne s’agissait probablement que d’une nouvelle manifestation, comme celle de septembre. Mais le Comité de Sécurité publique décida le 22 Ventôse An II (12 mars 1794) que les Hébertistes constituaient une menace trop sérieuse. Le Comité lia Hebert, Ronsin, Vincent et Momoro aux émigrés Proli, Cloots et Pereira, afin de présenter les Hébertistes comme parties au « complot étranger ». Tous ont été exécutés le 4 Germinal (24 mars). Cette décision a largement réduit au silence les Hébertistes, maintenant sans leur direction. Ayant réussi à étouffer la dissidence à gauche, le Comité s’en prend alors aux dantonistes, dont plusieurs membres sont impliqués dans la corruption financière. La Commission a forcé la Convention à lever l’immunité parlementaire de neuf députés dantonistes, ce qui leur a permis d’être jugés. Le 5 avril, les chefs dantonistes Danton, Delacroix, Desmoulins et Philippeaux sont exécutés.
L’exécution des dirigeants des deux factions rivales a provoqué la désillusion de certains. De nombreux sans-culottes furent abasourdis par l’exécution des Hébertistes. Tous les postes d’influence traditionnellement occupés par les sans-culottes sont supprimés : l’Armée révolutionnaire est dissoute, les inspecteurs de la thésaurisation sont licenciés, Bouchotte perd le Bureau de la Guerre, le Club des Cordeliers est contraint de s’autocensurer et la pression gouvernementale provoque la fermeture de 39 sociétés populaires. La Commune de Paris, contrôlée par des sans-culottes, a été purgée et remplie de candidats du Comité. Avec l’exécution des Dantonistes, de nombreux membres de la Convention nationale ont perdu confiance dans le Comité et ont même commencé à craindre pour leur sécurité personnelle.
En fin de compte, le Comité avait sapé son propre soutien en éliminant les dantonistes et les Hébertistes, qui avaient tous deux soutenu le Comité. En obligeant la Convention à autoriser l’arrestation des Girondins et des Dantonistes, le Comité croyait avoir détruit sa principale opposition. Cependant, les procès ont démontré le manque de respect du Comité pour les membres de la Convention (dont plusieurs avaient été exécutés). Au milieu de 1794, de nombreux membres du Congrès qui avaient pris parti pour le Comité par le passé ne l’appuyaient plus. Le Comité a joué le rôle de médiateur entre la Convention et les sans-culottes dont ils ont tous deux acquis leur force. En exécutant les Hébertistes et en aliénant les sans-culottes, le Comité est devenu inutile pour l’Assemblée.
La Terreur
Bien que la Terreur ait été organisée en septembre 1793, elle n’a été introduite qu’en octobre. Elle était le résultat d’un mouvement populaire. Un nouveau chapitre du Tribunal révolutionnaire a été ouvert après le 5 septembre, divisé en quatre sections: les Comités de Sûreté Publique et de Sûreté Générale devaient proposer les noms des juges et des jurés ; Fouquier-Tinville restait procureur de la République et Herman était nommé président. La Terreur visait à décourager le soutien aux ennemis de la Révolution en condamnant les critiques virulentes des Montagnards.
Les grands procès politiques ont commencé en octobre. La reine est guillotinée le 16 octobre. Un décret spécial étouffa la défense de 21 Girondins, dont Vergniaud et Brissot, et ils périrent le 31.
Au sommet de l’appareil de la Terreur siégeait le Comité de Sûreté générale, la deuxième organisation de l’État. Il se composait de douze membres élus chaque mois par la Convention et investis de fonctions de sécurité, de surveillance et de police, y compris sur les autorités civiles et militaires. Elle employait un personnel important, dirigeait le réseau progressivement constitué de comités révolutionnaires locaux et appliquait la loi sur les suspects en passant au crible les milliers de dénonciations et d’arrestations locales qu’elle devait ensuite juger.
Il a frappé les ennemis de la République qui qu’ils soient et où qu’ils soient. C’était socialement aveugle et politiquement perspicace. Ses victimes appartenaient aux classes qui détestaient la Révolution ou vivaient dans les régions où la rébellion était la plus grave. » La sévérité des mesures répressives dans les provinces, écrivait Mathiez, était directement proportionnelle au danger de révolte. »De nombreux membres de la communauté au franc-parler ont été jugés et exécutés pour trahison : Camille Desmoulins et Georges Danton étaient deux des hommes les plus notables exécutés pour leurs « menaces » contre la Révolution.
Les députés envoyés en mission par le Comité de Sûreté Publique, dotés des pleins pouvoirs, réagissent selon la situation locale et leurs propres tempéraments : Lindet pacifie l’ouest girondin en juillet sans une seule condamnation à mort ; à Lyon, quelques mois plus tard, Collot d’Herbois et Joseph Fouche comptent sur de fréquentes exécutions sommaires par balle car la guillotine ne fonctionne pas assez vite.
Esclavagemodifier
La monarchie a fait une distinction entre le sol français sur le continent et le sol sous contrôle français comme les colonies. Cette distinction a permis que l’esclavage soit illégal en France mais perdure dans les colonies. Les colons de Saint-Domingue voulaient avoir une représentation, 21 membres en raison de la taille de leur population et de leur contribution à l’économie. Cela a été abattu par la Convention nationale car la majorité de leur population était des esclaves et n’avait donc aucun droit en tant que citoyens et ne contribuait en rien à la population représentative. La Société des amis des Noirs en France s’opposait à l’origine à l’esclavage dans les années 1780, mais une grande partie de cette opposition a été ignorée à la suite de la Révolution française. Les Français ont montré une volonté beaucoup plus grande d’agir sur la question de l’esclavage lorsque la menace d’une guerre avec l’Espagne semblait imminente. En 1792, la Convention nationale accepte de déléguer 3 commissaires à Saint-Domingue. Deux des commissaires, Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel, ont mis en œuvre des droits pour les hommes libres de couleur égaux à leurs homologues blancs. Le 5 mai 1793, Sonthonax et Polverel attaquent pour la première fois le système de plantation et obligent les propriétaires à mieux traiter les esclaves et à prendre davantage soin de leur bien-être. Sonthonax s’attaqua alors à l’esclavage lui-même en libérant tous les Huzards esclaves, en latin pour les dangers, qui avaient été armés par leurs maîtres car ils ne pouvaient pas retourner à une vie de plantation paisible. Polverel publia une proclamation au Cap-Français le 21 juin 1793 qui libérait tous les esclaves qui acceptaient de se battre pour la République française des menaces internes et externes. Les commissaires décidèrent alors que la République verserait une indemnité aux propriétaires d’esclaves féminines épousant des hommes libres et que tous les enfants de cette union seraient libres. La Convention nationale autorisa finalement 6 membres représentatifs pour la colonie. Sous la pression des Amis des Noirs pour mettre fin à la traite négrière dans les colonies, la Convention nationale refusa au motif que l’esclavage était trop essentiel à la richesse économique française. Le comité estime que » six millions de Français comptent sur les colonies pour survivre » et maintient cet argument. Le 12 octobre 1790, la Convention nationale a déclaré que le seul organe de pouvoir capable de contrôler le statut des personnes dans les colonies étaient des comités dans les colonies elles—mêmes – cela signifiait que même si les noirs libres remplissaient l’exigence de citoyenneté active, les colons blancs ne le permettraient pas. Cela a été fait dans le but de plaire aux colons blancs et de les convaincre de ne pas unir leurs forces avec les Britanniques. Cela a également donné aux colonies le pouvoir de contrôler leurs propres lois concernant l’esclavage et a permis à la Convention nationale de se laver les mains de la question. Trois députés de Saint-Domingue se rendent en France pour tenter de convaincre la Convention nationale d’abolir l’esclavage. La Convention nationale abolit l’esclavage après avoir entendu les discours des députés le 4 février 1794. Cependant, le Comité de sécurité publique retarda de deux mois l’envoi de la proclamation aux colonies. Cela était dû à l’opposition apparente de Robespierre à l’abolition de l’esclavage. La question fut finalement résolue après que le Comité eut contourné Robespierre et ordonné l’envoi du décret d’abolition à Saint-Domingue. Cependant, la tentative de Napoléon de revenir à l’esclavage en 1801 a retiré à la France l’état d’être la première à abolir l’esclavage et a conduit à la perte de la colonie française la plus prospère.
ThermidorEdit
La dictature jacobine ne pouvait espérer rester au pouvoir que tant qu’elle faisait face avec succès à une urgence nationale. Dès que ses adversaires politiques auraient été détruits et que ses ennemis étrangers auraient été vaincus, elle perdrait la force principale qui la maintenait ensemble. La chute des Jacobins s’est produite plus rapidement que prévu en raison de problèmes au sein du parti.
Tant qu’il restait uni, le Comité était pratiquement invulnérable, mais il n’avait guère atteint l’apogée de son pouvoir avant que des signes de conflit interne n’apparaissent. Le Comité de la sécurité publique n’a jamais été un organe homogène. C’était un cabinet de coalition. Ses membres étaient maintenus ensemble moins par la camaraderie ou des idéaux communs que par le calcul et la routine. La presse d’affaires qui empêchait d’abord les querelles personnelles produisait également des nerfs fatigués. Des différences insignifiantes ont été exagérées dans les questions de la vie et de la mort. De petites disputes les séparaient les uns des autres. Carnot, en particulier, était irrité par les critiques adressées à ses plans par Robespierre et Saint-Just, Différend après différend. Des querelles éclatent au sein du Comité de sûreté publique, Carnot décrivant Robespierre et Saint-Just comme des » dictateurs ridicules » et Collot faisant des attaques voilées contre les » Incorruptibles « . De la fin juin au 23 juillet, Robespierre a cessé d’assister au Comité.
Conscients du danger de fragmentation, ils ont tenté une réconciliation. Saint-Just et Couthon y étaient favorables, mais Robespierre doutait de la sincérité de ses ennemis. C’est lui qui a provoqué l’intervention fatale de la Convention. Le 8 Thermidor an II (26 juillet 1794), il dénonce ses opposants et exige que » l’unité de gouvernement » soit réalisée. Lorsqu’on lui a demandé de nommer ceux qu’il accusait, cependant, il a refusé. Cet échec le détruisit, car on supposait qu’il exigeait un chèque en blanc. Cette nuit, une alliance difficile s’est formée à partir de députés et de membres de la Plaine menacés. Le lendemain, 9 Thermidor, Robespierre et ses amis n’ont pas été autorisés à parler et leur inculpation a été décrétée. Les hommes d’extrême gauche jouent les premiers rôles : Billaud-Varenne, qui attaque, et Collot d’Herbois, qui préside.
En apprenant la nouvelle, la Commune de Paris, fidèle à l’homme qui l’avait inspirée, appela à l’insurrection et libéra dans la soirée les députés arrêtés et mobilisa deux ou trois mille militants. La nuit du 9 au 10 Thermidor fut une grande confusion à Paris, alors que Commune et Assemblée se disputaient le soutien des sections et de leurs troupes. La Convention proclama que les rebelles étaient désormais hors-la-loi ; Barras fut chargé de rassembler une force armée, et les sections modérées lui apportèrent leur soutien. Les Gardes nationaux et les artilleurs rassemblés devant l’Hôtel de Ville sont laissés sans instructions et peu à peu ils se dispersent et laissent la place déserte. Vers deux heures du matin, une colonne de la section de Gravilliers dirigée par Léonard Bourdon fait irruption dans l’Hôtel de Ville et arrête les insurgés.
Au soir du 10 Thermidor (28 juillet 1794), Robespierre, Saint-Just, Couthon et dix-neuf de leurs alliés politiques sont exécutés sans procès. Le lendemain, c’était au tour d’un grand groupe de 71 hommes, la plus grande exécution de masse de tout le cours de la Révolution.