Le concept de réadaptation repose sur l’hypothèse que le comportement criminel est causé par un facteur. Cette perspective ne nie pas que les gens font des choix pour enfreindre la loi, mais elle affirme que ces choix ne sont pas une question de pur « libre arbitre ». »Au lieu de cela, la décision de commettre un crime est considérée comme déterminée, ou du moins fortement influencée, par l’environnement social, le développement psychologique ou la composition biologique d’une personne. Les gens ne sont pas tous les mêmes — et donc libres d’exprimer leur volonté — mais sont plutôt différents. Ces « différences individuelles » façonnent la façon dont les gens se comportent, y compris s’ils sont susceptibles d’enfreindre la loi. Lorsque les personnes sont caractérisées par divers « facteurs de risque criminogènes » — tels qu’un manque d’amour et de supervision parentaux, l’exposition à des pairs délinquants, l’intériorisation de valeurs antisociales ou un tempérament impulsif — elles sont plus susceptibles de s’impliquer dans la criminalité que les personnes n’ayant pas ces expériences et traits.
Le modèle de réhabilitation « n’a de sens » que si un comportement criminel est causé et non pas simplement un choix librement volontaire et rationnel. Si le crime était une question de choix libres, alors il n’y aurait rien au sein d’individus particuliers à « réparer » ou à modifier. Mais si la participation à la criminalité est causée par divers facteurs, la récidive peut logiquement être réduite si les interventions correctionnelles sont en mesure de modifier ces facteurs et comment ils ont influencé les délinquants. Par exemple, si les associations avec des pairs délinquants amènent les jeunes à intérioriser des croyances à l’origine du crime (p. ex., « il est normal de voler »), puis détourner les jeunes vers d’autres groupes de pairs et changer ces croyances peut empêcher leur retour à un comportement criminel.
On dit parfois que la rééducation adopte un » modèle médical. »Lorsque des personnes sont physiquement malades, les causes de leur maladie sont diagnostiquées puis « traitées. »Les problèmes médicaux de chaque personne peuvent être différents et le traitement sera différent en conséquence; c’est-à-dire que l’intervention médicale est individualisée. Ainsi, les personnes atteintes de la même maladie peuvent, en fonction de leurs conditions personnelles (p. ex., âge, état de santé antérieur), reçoivent différents médicaments et restent à l’hôpital pendant des durées différentes. La réadaptation correctionnelle partage la même logique : Les causes doivent être découvertes et les traitements doivent être individualisés. C’est pourquoi la réadaptation est également appelée « traitement. »
Le traitement correctionnel et le traitement médical se ressemblent d’une autre manière: ils supposent que des experts, formés scientifiquement aux connaissances pertinentes sur la façon de traiter leurs « clients », guideront le traitement individualisé qui aurait lieu. En médecine, cet engagement à former les médecins à l’expertise scientifique a été institutionnalisé, les médecins étant tenus de suivre des études de médecine. Dans les services correctionnels, cependant, cette professionnalisation est généralement absente ou n’est que partiellement réalisée.
Le caractère distinctif de la réadaptation peut également être vu en la contrastant avec trois autres perspectives correctionnelles qui, avec la réadaptation, sont généralement considérées comme les principaux objectifs des services correctionnels. Le premier objectif, la rétribution ou tout simplement les déserts, est distinctif en soi parce qu’il est non utile; autrement dit, il ne s’agit pas d’un moyen d’atteindre une fin — en l’occurrence, la réduction de la criminalité — mais plutôt d’une fin en soi. Le but des sanctions correctionnelles est donc d’infliger une peine au contrevenant afin que le préjudice qu’il a causé soit « remboursé » et que les échelles de justice soient équilibrées. Dans ce cas, la punition – infligeant de la douleur au délinquant — est considérée comme justifiée parce que l’individu a utilisé son libre arbitre pour choisir d’enfreindre la loi. Le deuxième objectif, la dissuasion, est utilitaire et affirme que punir les délinquants les amènera à ne pas retourner au crime parce qu’on leur aura appris que « le crime ne paie pas. » Il convient de noter que la dissuasion suppose que les délinquants sont rationnels, en ce sens que l’augmentation du coût de la criminalité — généralement par des peines plus sévères et plus certaines — incitera les délinquants à choisir de » partir directement » de peur que la criminalité future s’avère trop douloureuse. C’est ce qu’on appelle la dissuasion spécifique. Lorsque d’autres personnes de la société s’abstiennent de commettre un crime parce qu’elles sont témoins de la punition des délinquants et craignent de subir un sort similaire, on parle de dissuasion générale. Enfin, le troisième objectif, l’incapacité, ne fait aucune hypothèse sur les délinquants et les raisons pour lesquelles ils ont commis des crimes. Au lieu de cela, il cherche à atteindre l’objectif utilitaire de réduction de la criminalité en « enfermant » ou en incarcérant les délinquants. S’il est derrière les barreaux et donc « frappé d’incapacité », le crime sera impossible car le délinquant n’est pas libre dans une société où des citoyens innocents peuvent être pénalement victimisés.
En comparaison, la réhabilitation diffère de la rétribution, mais est similaire à la dissuasion et à l’incapacité, en ce sens qu’elle est un objectif utilitaire, l’utilité ou le bénéfice pour la société étant la réduction de la criminalité. Il diffère fondamentalement des trois autres points de vue, cependant, parce que ces autres objectifs ne tentent pas de changer ou d’améliorer autrement les délinquants. Au lieu de cela, ils infligent la douleur ou la punition aux délinquants soit pour une raison (rétribution pour « égaliser » ou dissuasion pour « effrayer les gens »), soit en conséquence de la peine (l’incapacité consiste à placer les délinquants dans une situation de vie désagréable, la prison). En revanche, la réadaptation vise à aider les délinquants et la société. En traitant les délinquants, ils espèrent leur donner les attitudes et les compétences nécessaires pour éviter la criminalité et mener une vie productive. Parfois, cette tentative d’aider les délinquants expose la réhabilitation à l’accusation qu’elle « dorlote les criminels. » Ce point de vue est cependant à courte vue, car la réadaptation correctionnelle ne se concentre pas uniquement sur les contrevenants à la loi, mais aussi sur la protection de la société: en rendant les délinquants moins criminels, moins de personnes seront victimisées et la société sera, par conséquent, plus sûre.