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Raphael

Ce qui suit est un extrait de « Raphael: Un Recueil de Quinze Tableaux et un Portrait du Peintre avec Introduction et Interprétation » d’Estelle M. Hurll, publié en 1899:

Aucun des anciens maîtres italiens n’a eu une emprise aussi forte sur l’imagination populaire que Raphaël. D’autres artistes perdent la faveur du public à mesure qu’ils sont loués par une génération de critiques ou dénigrés par la suivante; mais le nom de Raphaël continue de figurer dans l’opinion publique comme celui du peintre préféré de la chrétienté. Les siècles qui passent ne ternissent pas sa renommée, bien qu’il soit soumis à de sévères critiques; et il continue, comme il a commencé, le premier amour du peuple.

Les sujets de ses tableaux sont presque tous de nature joyeuse. Il exerçait son talent pour la plupart sur des scènes agréables à contempler. La douleur et la laideur étaient étrangères à son art; il était avant tout l’artiste de la joie. Cela doit se référer non seulement à sa nature amoureuse du plaisir, mais à la grande influence sur lui de la redécouverte de l’art grec à son époque, un art qui traitait distinctement des objets de plaisir.

De plus, Raphaël est compatissant envers l’esprit comme envers le cœur; il n’exige de nous ni sentiment trop intense ni trop de pensée. Comme ses sujets ne surchargent pas les sympathies avec des émotions déchirantes, son art ne surmonte pas non plus la compréhension avec des effets compliqués. Ses images sont apparemment si simples qu’elles ne demandent aucun grand effort intellectuel et aucune éducation technique pour en profiter. Il fait tout le travail pour nous, et son art est trop parfait pour étonner. Ce n’était pas sa façon de montrer quelles choses difficiles il pouvait faire, mais il a fait croire que le grand art est la chose la plus facile au monde. Cette aisance était cependant le résultat d’une splendide maîtrise de son art. C’est ainsi qu’il arrange les cinquante-deux figures de l’École d’Athènes, ou les trois figures de la Madone de la Chaise, si simplement et discrètement que l’on pourrait imaginer que de tels exploits étaient une affaire quotidienne. Pourtant, dans les deux cas, il résout les problèmes les plus difficiles de la composition avec un succès à peine égalé dans l’histoire de l’art.

Même le Maître lui-même a rarement obtenu le même genre de succès deux fois. Son Parnasse n’a pas la variété de l’École d’Athènes, bien que les figures uniques aient une grâce similaire, et l’Incendie du Borgo ou Conflagration dans le Borgo, avec des groupes d’une beauté égale à ceux des deux autres fresques, n’a pas l’unité de l’un ou l’autre. Encore une fois, alors que le Parnasse et la Libération de Pierre montrent une adaptation magistrale à des espaces extrêmement gênants, la Transfiguration ne parvient pas à résoudre un problème de composition beaucoup plus facile.

Préférant par un instinct tel que le possédait l’artiste grec, les effets statuesques du repos à la représentation de l’action, Raphaël s’est montré capable des deux. Le calme hellénique du Parnasse n’est pas plus impressionnant que la charge splendide des esprits vengeurs sur Héliodore; l’idéalisme visionnaire de Pierre mené par l’ange est égalé par le réalisme vigoureux de Pierre appelé de sa pêche à l’apostolat; le calme couvant de la maternité exprimé dans la Madone de la Chaise complète parfaitement l’activité alerte de la Madone Sixtine en mouvement rapide.

Grand comme l’a été la réalisation de Raphaël dans de nombreuses directions, on se souvient avant tout de lui comme d’un peintre de Madones. Voici le sujet qui exprimait le mieux l’individualité de son génie. Du début à la fin de sa carrière, le doux mystère de la maternité n’a cessé de le fasciner. Encore et encore, il sonnait les profondeurs de l’expérience maternelle, faisant toujours de nouvelles découvertes.

La Madone de la chaise souligne le plus en évidence, peut-être, les instincts physiques de la maternité. « Elle se penche sur l’enfant », dit Taine, « avec la belle action d’un animal sauvage. » Telle une créature mère qui protège instinctivement ses petits, elle le rassemble dans sa vaste étreinte comme pour le protéger d’un danger imminent. La Madone Sixtine, quant à elle, est la plus spirituelle des créations de Raphaël, l’incarnation parfaite de la féminité idéale. L’amour de la mère est ici transfiguré par l’esprit de sacrifice. Oublieuse de soi et obéissante à l’appel céleste, elle porte son fils au service de l’humanité.

Les esprits sœurs des Madones, et à peine deuxièmes en beauté délicate, sont les saintes vierges de Raphaël; la Catherine, la Cécile, la Madeleine et la Barbara sont des idéaux fidèles dans nos rêves de belles femmes.

La même douceur de la nature qui a incité Raphaël à aimer les femmes charmantes et les enfants heureux se manifeste également dans sa délimitation des anges. L’archange Michel, les anges visiteurs d’Abraham et les esprits célestes apparaissant à Héliodore suivent tous de près les Madones dans la pureté et la sérénité de leur beauté. Dans la même communauté appartient également la belle jeunesse de la foule à Lystra, qui est aussi fortement contrastée avec son environnement que s’il était un habitant d’une autre sphère. L’idéal se répète à nouveau dans l’autel de Saint Jean de Cécile, dont le visage relevé a une douceur qui n’est pas tant féminine que céleste. L’ange de la délivrance de Pierre a moins de succès que les autres types d’anges de l’artiste. La tête semble trop petite pour le corps magnifiquement vigoureux, et le visage manque un peu de force.

Si les idéaux préférés de Raphaël étaient tirés de la jeunesse et de la féminité, ce n’est pas parce qu’il ne comprenait pas le purement masculin. Les Æneas de la fresque de Borgo, le Paul de l’autel de Cecilia et le Sixte de la Madone Sixtine montrent, en trois âges, ce qui est le meilleur et le plus distinctif de la virilité idéale.

Le type de beauté de Raphaël n’est pas tel qu’il suscite une admiration immédiate ou extravagante: il est satisfaisant plutôt qu’étonnant, et ses qualités émergent lentement mais sûrement sur l’imagination. Raphaël tient toujours au juste milieu; aucune note exagérée ne s’oppose à la perfection de ses harmonies. Pour cette raison, ses images ne deviennent jamais fatigantes. Ils résistent à l’épreuve de la compagnie quotidienne et deviennent de plus en plus beaux grâce à la familiarité.

Sans forcer le parallèle, on peut dire que quelque chose du même esprit qui animait l’œuvre de Raphaël réapparaît dans la poésie familière de Longfellow. L’un des artistes avait l’œil pour la belle ligne, l’autre l’oreille pour les vers mélodieux, et tous deux fuyaient tout ce qui était inharmonieux, recherchant toujours la grâce et la symétrie. Leurs sujets étaient, en effet, de portée différente. Raphaël, impressionné par l’érudition de son temps, choisit des thèmes plus vastes et plus liés à l’expérience du monde, tandis que Longfellow n’est jamais très éloigné du jalon doré de la vie domestique. Pourtant, dans divers sujets, les deux se sont tournés instinctivement vers des aspects de la féminité, vers ce qui était raffiné et doucement émotionnel, et se sont détournés du violent et du révolutionnaire.

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