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John Mann explique ce que sont les Continentaux jusqu’à nos jours.
Dans les années 1980, le postmodernisme, la déconstruction, le structuralisme et le post-structuralisme suscitaient beaucoup d’enthousiasme. Ce flot de théorie semblait offrir une nouvelle perspective radicale pour comprendre et expérimenter le monde. Ce fut une illumination qui laissa maudits tous ceux qui la rejetaient encore coincés dans la boue trouble des vieilles façons de penser qui dominaient la pensée occidentale depuis 2000 ans et auxquelles nous pouvions enfin échapper. Cette ferveur religieuse avec sa condamnation des hérétiques et l’établissement de nouveaux messies s’est adoucie, et il est maintenant possible de regarder tranquillement et calmement ce qui se passait.
Structuralisme
Le structuralisme est apparu sur le continent, en particulier en France, au début des années 60. Le premier « grand nom » a été Claude Lévi-Strauss, un anthropologue, qui s’est attaqué à Jean-Paul Sartre, le principal intellectuel et philosophe français de l’époque, et n’a pas tant gagné, qu’il est resté sans réponse (ce qui, du point de vue de Sartre, était pire). Voici le principal philosophe de France, Sartre, qui avait généralement quelque chose à dire sur tout, attaqué dans L’Esprit sauvage de Lévi-Strauss, et pourtant ne répondant pas! L’implication était qu’il ne pouvait pas répondre, et l’humeur intellectuelle commença à se diriger vers la position intellectuelle de Lévi-Strauss, qu’il appelait le structuralisme.
Une explication simple du structuralisme est qu’il comprend les phénomènes en utilisant la métaphore du langage. Autrement dit, nous pouvons comprendre le langage comme un système, ou une structure, qui se définit en termes d’elle-même. Il n’y a pas de langage « derrière » le langage avec lequel nous le comprenons, pas de métalangage pour expliquer ce que signifie le langage. Il s’agit plutôt d’un système autoréférentiel. Les mots expliquent les mots expliquent les mots (comme dans un dictionnaire), et le sens est présent comme un ensemble de structures.
Une telle approche était une attaque contre d’autres types de philosophie qui prétendent qu’il existe un « noyau » de vérité qui est la « réalité », quelque chose derrière le monde de « l’apparence ». Par exemple, les marxistes pourraient soutenir que nous pouvons comprendre le monde (« apparence ») en examinant les relations de production (« réalité »), ou certains chrétiens fondamentalistes pourraient soutenir que nous devrions comprendre le monde comme une bataille de Dieu contre Satan, donc cette « vérité » est cachée, mais en fait elle explique le monde.
Un autre structuraliste était Roland Barthes, qui a revendiqué le terme pendant un certain temps, qui était critique littéraire et écrivait sur la « mort de l’Auteur ». Il a fait valoir que l’auteur ne pouvait prétendre savoir de quoi parlait son livre pas plus que le lecteur. Encore une fois, l’idée qu’il y avait une réalité cachée (cachée au lecteur mais connue de l’auteur) a été remise en question, et plutôt une vision du « texte » présenté qui était accessible à tous de manière égale.
Michel Foucault, philosophe et historien, a soutenu que la science doit être comprise socialement avant de pouvoir être comprise intellectuellement – par exemple, il a montré comment la « folie » est avant tout une invention sociale, plutôt qu’une découverte médicale. Il a affirmé que l’analyse des systèmes de pensée nécessitait une analyse du détail, pour montrer comment chaque partie interagissait avec d’autres parties. Il ne suffisait pas de simplement identifier un « noyau » (comme l’évolution des connaissances scientifiques) et d’ignorer tous les autres aspects de la science.
Jacques Lacan, psychanalyste qui affirmait que l’inconscient est structuré comme un langage, est largement considéré comme un penseur structuraliste majeur. Il prétendait » revenir à Freud » et travailler contre l’américanisation de la psychanalyse en mettant l’accent sur l’égopsychologie. Il a souligné le rôle de l’inconscient en montrant que le « Je » n’est pas un « ego » central mais un inconnu dispersé, fragmenté et interdépendant (l’inconscient).
Nous pouvons donc voir que l’une des principales caractéristiques des structuralistes est leur attaque contre le « fondationnalisme », attaquant toute pensée qui prétend avoir trouvé un fondement solide sur lequel nous pouvons construire des croyances. Au lieu de cela, ils soulignent la « parenté » de la vérité, comment la vérité n’est pas quelque chose que nous « découvrons », ou que nous pouvons « posséder », ou à partir de laquelle nous pouvons « partir », mais une structure que la société invente.
Déconstruction
En passant des structuralistes, nous arrivons à Derrida et à la déconstruction. Je reviens ensuite à Jacques Derrida puisque ses trois premiers livres importants ont été publiés en 1967, ce qui est en avance sur le principal livre post-structuraliste Anti-Œdipe qui est sorti au début des années 1970.
Derrida peut être qualifié de post-structuraliste dans un sens, car il s’éloigne du structuralisme, en prenant une partie pour acquise et en défiant d’autres parties. Là où les structuralistes ont construit un système, une structure, Derrida le déconstruit, c’est-à-dire qu’il le démonte. Cependant, ce qui est déconcertant, c’est qu’il le fait de l’intérieur. Sa technique de déconstruction montre comment les structures ou les systèmes de pensée contiennent les germes de leur propre chute.
Derrida n’a pas de système de pensée en tant que tel, il lit simplement un auteur, par exemple Rousseau ou Lévi-Strauss ou Hegel, et montre comment leur pensée contient des contradictions. Et de plus, ces contradictions ne sont pas quelque chose qui peut être corrigé, comme si l’auteur avait des erreurs dans un argument qui, une fois corrigé, pourrait produire un meilleur argument, non – plutôt les contradictions étaient des conditions du système de pensée existant en premier lieu!
Derrida montre que chaque système de pensée est nécessairement contradictoire. Comment il fait cela est assez technique, mais l’idée est de montrer comment le système (1) crée des paires binaires – par exemple bon et mauvais, homme et femme, noir et blanc, écrire et parler, fou et sain d’esprit, etc., (2) donne la priorité à un terme sur un autre, et définit en effet l’un en termes de l’autre – par exemple mâle sur femelle (ce que Derrida appelle le « phallocentrisme »), sain d’esprit sur fou, bon sur mauvais, etc. (3) ensuite montrer qu’en fait vous pouvez aussi bien hiérarchiser le deuxième terme sur le premier – montrer comment le premier terme dépend du deuxième, (4) enfin montrer comment le système dépend de cette marginalisation du deuxième terme, alors qu’en fait il s’appuie sur le deuxième terme (le marginal) également, en quelque sorte, étant au centre.
Jacques Derrida a gagné un fort groupe d’adeptes aux États-Unis, en particulier parmi les critiques littéraires, qui prennent au pied de la lettre sa phrase « il n’y a rien en dehors du texte” pour traiter quoi que ce soit comme un « texte » et donc sujet à interprétation littéraire.
Post-structuralisme
Le livre principal du post-structuralisme, Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari, est en fait une tentative de combiner Marx et Freud (le sous-titre est « Capitalisme et Schizophrénie ») par la libération par le libre désir. Le post-structuralisme est vraiment un mouvement culturel plus qu’un mouvement intellectuel. Le structuralisme dans les années 60 était au moins en partie un programme intellectuel, et il était possible d’analyser les phénomènes en les traitant comme faisant partie d’un système. Le post-structuralisme est allé au-delà, remettant en question les notions mêmes de Vérité, de Réalité, de Sens, de Sincérité, de Bien, etc. Il considérait tous les absolus comme des constructions, la vérité était créée, c’était un effet, elle n’était pas présente « dans » quelque chose. De même, il n’y avait pas d’autorité, pas de Réel, tout était défini en termes de tout le reste, et ce processus lui-même était relatif et construit.
Le philosophe principal des poststructuralistes était le philosophe Friedrich Nietzsche du XIXe siècle, dont la pensée principale a commencé par la prise de conscience que si Dieu est mort, tout est possible – tout est permis, tout est relatif. Il n’y a plus d’absolus. Nietzsche a également écrit dans un style similaire à un prophète de l’Ancien Testament (voir par exemple son Ainsi parlé Zarathoustra) – son style est plein de phrases telles que « nous vivons parmi les ruines de Dieu” – et les post-structuralistes ont tendance à suivre ce style poétique.
Les origines du postmodernisme
Alors que ce mouvement gagnait en popularité dans les années 70, d’autres choses importantes se produisaient. Les groupes politiques radicaux des années 60 (par exemple les maoïstes) arrivaient à une impasse idéologique. Soljenitsyne était en cours de traduction et révélait en détail les horreurs de l’Europe de l’Est. L’importance des médias en tant qu’agent de changement social se réalisait et la saturation médiatique de la vie devenait un phénomène culturel important. Ces tendances se mélangent maintenant aux courants philosophiques qui viennent d’être décrits avec les effets suivants.
Tout d’abord, il y a eu une grande réaction contre le marxisme et le socialisme. On a soutenu que le marxisme était un système « totalisant », dont le totalitarisme intellectuel se déplaçait nécessairement au Goulag, et que le libéralisme et le capitalisme étaient plutôt considérés comme plus ouverts et relatifs. Deuxièmement, les intellectuels se sont éloignés de l’engagement politique (Sartre par exemple avait toujours défilé avec les étudiants, et Foucault était souvent dans des manifestations pour les droits des prisonniers, entre autres), et sont revenus au travail « intellectuel ». Enfin, il y avait un grand intérêt pour le rôle des médias dans la définition de la réalité pour nous, et une analyse de la société comme fragmentaire, pleine d’images, saturée par les médias, rendant tout relatif, éphémère et éphémère: autrement dit, postmoderne.
Critique et évaluation
Les gens critiquent maintenant le post-structuralisme et la déconstruction comme justifiant philosophiquement le conservatisme, la réaction, dépolitisant la société et encourageant un mode de vie irresponsable et hédoniste (par exemple, Foucault avait-il encore des relations sexuelles non protégées alors qu’il savait qu’il avait le sida? Derrida aurait-il dû essayer de défendre le bilan nazi de son collègue philosophe Paul de Man ? Qu’en est-il du passé nazi de Heidegger ? Qu’en est-il de l’affirmation de Baudrillard selon laquelle la guerre du Golfe n’a jamais eu lieu ?)
À la suite de ces critiques, certains des excès du post-structuralisme et de la déconstruction sont maintenant terminés. Actuellement, il semble y avoir une humeur plus sobre parmi les philosophes continentaux qui tentent de replacer ces mouvements intellectuels dans la lutte pour les droits de l’homme et de créer de meilleures valeurs humaines.
Lectures recommandées:
¶ Structuralisme et Depuis John Sturrock (ed.)
(publié par Oxford University Press) Introduction à divers penseurs tels que Derrida, Foucault, Barthes etc.
¶ Contre le postmodernisme Alex Callinicos
(Polity Press) Critique marxiste du structuralisme, de la déconstruction et du post-structuralisme – clairement écrite et bien argumentée.
¶ La Transparence du Mal Jean Baudrillard
(Verso)Baudrillard est l’auteur postmoderne, écrivant sur la façon dont les médias ont pris le dessus.
¶ Déconstruction Christopher Norris
(Methuen, 1982) Norris est un partisan critique de la déconstruction, généralement en faveur de celle–ci – ou du moins en faveur de ce dont elle est capable – mais son livre sur Baudrillard et la guerre du Golfe, Théorie non critique montre qu’il est certainement contre ses excès.
¶ Contingence et ironie Richard Rorty
(Cambridge University Press) Rorty est un libéral américain qui prend des arguments de Derrida et d’autres et les utilise pour défendre ses vues « relativistes » – très lisibles et agréables.