Aucun document n’a eu un impact plus important sur la Révolution française que Qu’est-ce que le Tiers-État ?, ou ‘Qu’est-ce que le Troisième État’? Écrit par Emmanuel Sieyes, un ecclésiastique jusqu’alors inconnu, ce pamphlet résumait les doléances politiques du peuple. Publié à un moment critique au début de 1789, il a stimulé les efforts de réforme aux États généraux.
Contexte
Fin 1788, le roi de France Louis XVI annonce la convocation des États généraux, l’équivalent le plus proche d’un parlement national en France.
Cette annonce a déclenché un flot d’opinions politiques. Des centaines d’essais et de brochures politiques ont été publiés et diffusés. Beaucoup ont spéculé sur la composition, la procédure et les résultats possibles des États généraux. Certains de ces documents réclamaient l’égalité et une plus grande représentation du Tiers-État, le peuple français.
Qu’est-ce que le Troisième État ? a enflammé ces aspirations politiques plus que toute autre. Il a touché une corde sensible avec les classes inférieures mécontentes de la France. En posant trois questions rhétoriques et en employant un langage clair mais énergique, Qu’est-ce que le Troisième État? semblait aussi rationnel et logique que convaincant. Il a remis en question les conceptions traditionnelles de la nation et du gouvernement tout en exhortant ses lecteurs à ne pas accepter de promesses ou de compromis creux. Qu’est-ce que le Troisième État? s’est avéré extrêmement populaire et est devenu ce qu’un historien appelle « un scénario de révolution”.
L’auteur de ce document remarquable était Emmanuel Joseph Sieyès, un ecclésiastique libre-penseur. Sieyès est né dans le sud-est de la France en 1748. Ses parents avaient une ascendance noble, mais au moment de sa naissance, la famille de Sieyès était à peine de la classe moyenne. Son père était un fonctionnaire et un fervent catholique qui voulait que ses enfants, y compris son fils Emmanuel, entrent dans le clergé.
Sieyès reçoit une éducation jésuite avant de s’installer à Paris, où il entre dans un séminaire en banlieue parisienne et étudie la théologie à la prestigieuse Sorbonne. Sieyès était un étudiant en théologie médiocre, terminant souvent avec de faibles notes. il montre un intérêt beaucoup plus grand pour la philosophie politique libérale, en particulier les travaux de John Locke. Lecteur vorace, Sieyès dressa en 1770 une liste de centaines de livres qu’il désirait lire – s’il avait un jour l’argent pour les acheter. Les textes des lumières figurent en bonne place dans cette liste.
Insatisfaction de l’Église
Malgré ses opinions libérales, Sieyès poursuit sa carrière cléricale et est ordonné abbé en 1772. Son séjour dans le clergé fut moyennement réussi, mais loin d’être heureux. Après deux ans d’attente pour une affectation, Sieyès obtient finalement un poste dans le diocèse de Chartres. Il finit par accéder aux fonctions de vicaire général, de chanoine de la cathédrale et de chancelier diocésain. Alors que sa propre carrière progresse lentement, Sieyès prend conscience de la façon dont des hommes d’église de naissance noble mais de capacité médiocre gravissent rapidement les échelons. Au fur et à mesure que son insatisfaction à l’égard de l’Église augmentait, l’intérêt de Sieyès pour la crise politique qui se déroulait dans la nation augmentait.
En août 1788, le roi ordonna la convocation des États généraux de 1788.
États généraux au milieu de l’année suivante. À ce stade, il y avait une incertitude sur la composition et le fonctionnement des États généraux. Les États généraux ne s’étaient pas réunis depuis 1614; elle n’avait jamais suivi de structures ou de procédures cohérentes ; il n’y avait aucune exigence constitutionnelle pour qu’elle prenne une forme particulière. Cette incertitude a déclenché un débat national sur la formation, le fonctionnement et les pouvoirs des États généraux.
En septembre 1788, le Parlement de Paris décide que les États généraux doivent adopter la même forme qu’en 1614, c’est-à–dire avec un vote par ordre et non par tête. Le mois suivant, Jacques Necker, qui avait proposé de doubler la représentation du Tiers État aux États généraux, convoqua une Assemblée de notables pour donner des conseils sur la question. La censure gouvernementale a également été assouplie, permettant aux experts et aux idéologues d’écrire abondamment sur les États généraux à venir.
Sieyès l’écrivain
Tout cela a inspiré Sieyès à mettre la plume sur le papier. En novembre 1788, il publie Essai sur les privilèges qui s’attaque à la présence des privilèges et des exemptions dans la société et le système politique français. Cela a été immédiatement suivi par Quel est le Troisième état? en janvier 1789.
Le texte de Sieyès repose sur une prémisse simple : le Tiers État forme la majorité de la nation et fait l’œuvre de la nation, donc a droit à une représentation politique. Comme Thomas Paine l’avait fait en Amérique avec Bon Sens (1776), Sieyès a gardé la structure simple tout en employant un raisonnement clair et accessible pour les lecteurs ordinaires. Dans le passage le plus cité de Ce qu’est le Troisième État?, il a posté trois questions et réponses rhétoriques:
« Qu’est-ce que le Troisième domaine? Tout.
Qu’a-t-il été jusque-là dans l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-elle ? Pour devenir quelque chose.”
Qu’est-ce que le Troisième domaine? est probablement devenu le texte le plus influent du début de la Révolution française. Il cristallisait les griefs des gens ordinaires de manière rationnelle et logique. Il rappelait au peuple français qu’il avait été exploité et maltraité, à la fois par un gouvernement non représentatif et par une noblesse parasite qui refusait de payer à sa manière.
Plus important encore, Qu’est-ce que le Troisième État? a fourni aux représentants des Tiers successions présents aux États généraux un ensemble d’objectifs. Sieyès a fait valoir que la représentation des Tiers Successions doit être égale ou supérieure à celle des Premier et Deuxième Successions réunis. Il a appelé à ce que le vote aux États généraux se fasse par chef (c’est-à-dire par un décompte des députés individuels) plutôt que par ordre (les États votant par blocs). Cela a façonné les revendications du Tiers État aux États généraux, aboutissant à leur décision de se séparer pour former l’Assemblée nationale. Il n’est pas certain que cela se soit produit sans l’impulsion fournie par Qu’est-ce que le Troisième État?
L’ascension de Sieyès
Pour Emmanuel Sieyès, l’impact de ce qu’est le Tiers État ? lui a apporté un respect et une popularité considérables. En mars 1789, il est élu pour représenter la Troisième Succession aux États généraux – bien que Sieyès soit membre de la Première Succession et n’ait aucune expérience en tant qu’avocat, débatteur ou orateur public. Sieyès prononçait rarement des discours publics pendant les États généraux, mais travaillait assidûment en coulisse et était souvent consulté pour obtenir des conseils ou des instructions.
Lors de la formation du Troisième État en tant qu’Assemblée nationale le 17 juin, Sieyès présente personnellement les motions pour initier ce changement. Le reste de la carrière politique de Sieyès n’atteint jamais les sommets du début de 1789. Il a siégé à l’Assemblée nationale constituante et à la Convention nationale, participant aux discussions et à la rédaction constitutionnelles. Finalement, Sieyès n’était pas assez radical pour la révolution qu’il avait contribué à déclencher. Il désirait une monarchie constitutionnelle et une démocratie bourgeoise plutôt qu’une république populaire – mais ne pouvait se résoudre à attaquer l’Église comme il avait attaqué la noblesse.
Point de vue d’un historien :
« Sieyès – qui avait l’oreille pour ce que nous appellerions maintenant la morsure sonore – a donné une réponse notoire à cette question. Contrairement aux deux autres ordres, la noblesse et la prêtrise, qui, selon lui, étaient les gardiens de leurs propres privilèges corporatifs, le Tiers-État n’avait « aucun intérêt corporatif à défendre it il n’exige rien de moins que de faire de la totalité des citoyens un seul corps social. » Ce n’était, prétend-il, pas un ordre parmi d’autres, mais lui-même, seul, « la nation »: c’était « tout ». »
Iain Hampsher-Monk
1. Qu’est-ce que le Troisième État? fut l’un des textes politiques les plus importants et les plus influents de la Révolution française, façonnant le cours des événements de 1789.
2. Son auteur était Emmanuel Sieyès, un ecclésiastique de rang moyen et libre-penseur qui avait étudié la philosophie politique des Lumières et était frustré par la noblesse et les privilèges.
3. Sieyès a écrit Qu’est-ce que le Troisième Estate? à la fin de 1788, au milieu d’une « guerre de pamphlets » sur la composition, les procédures et les résultats des États généraux.
4. En quoi consiste le Troisième État? Sieyès a soutenu que les roturiers constituaient la majeure partie de la nation et faisaient la plupart de son travail, ils étaient la nation. Il a exhorté les membres du Troisième État à exiger une constitution et une plus grande représentation politique.
5. Les idées contenues dans Qu’est-ce que le Troisième État? ont joué un rôle déterminant dans les événements de 1789, en particulier la formation de l’Assemblée nationale, tandis que Sieyès lui-même devient délégué politique dans le nouveau régime.
Extraits de Ce qu’est le Troisième État? (1789)
Informations de citation
Titre : « Sieyès et’Qu’est-ce que le Troisième État? »
Auteurs: Jennifer Llewellyn, Steve Thompson
Éditeur: Alpha History
URL:https://alphahistory.com/frenchrevolution/sieyes-what-is-the-third-estate/
Date de publication: 19 juillet 2018
Date d’accès: 24 mars 2021
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